Depuis 2011, des habitants de Thessalonique occupent une partie de l’ancienne base militaire Karatasou, située dans le quartier de Pavlos Melas au nord de la ville. Le projet Perka, pour periastikon kalliergeion (agriculture urbaine) donne également son nom à chacune des 7 parcelles entretenues par un groupe de bénévoles qui cultivent individuellement ou collectivement . Certains sont présents depuis la création du projet, tandis que d’autres, convaincus plus tard ou seulement de passage, sont à l’origine des derniers perkas. À la date de notre venue, 200 personnes y étaient impliquées et l’idée de la mise en place d’une 8ème ou 9ème perka était en cours de discussion.
Basé sur des principes de collégialité, d’autogestion et d’égalité, le fonctionnement général semble assez simple. Les jardiniers pratiquent uniquement une agriculture biologique (biodynamique pour certains), et se conforment à plusieurs exigences constituées comme une charte. Aucunes méthodes et utilisations de matériaux pouvant porter préjudice à d’autres producteurs ne sont tolérées, ni l’utilisation d’engrais artificiels, pesticides ou autres préparations liées à la culture intensive. En dehors de ça, chacun des groupes perka est libre de définir les moyens et techniques d’agricultures, la nature des plantations, la répartition des tâches et du jardinage, la distribution de la production, la répartition des coûts. La production est à but non lucratif. L’objectif ici est d’atteindre un niveau d’autosuffisance alimentaire pour les jardiniers au travers d’une formation continue qu’ils définissent comme une "recherche en laboratoire". La totalité des membres se retrouve mensuellement lors d’une réunion générale pour discuter des questions collectives, des éventuels changements à apporter, des avancements et des futurs événements à organiser.
Membre des réseaux Sporos, Peliti et Anoixtodikio de distribution directe, Perka organise de nombreux événements publics, parfois à portée internationale : campagne de sensibilisation, distribution de graines paysannes et libres de droit, apprentissage des techniques de culture, repas… Si ce type d’initiative, inscrit dans la mouvance des guérilla garden qui s’est développée depuis plusieurs années (ex : Greening Detroit, The Incredible Ible), n’apporte pas d’innovation particulière, elle prend dans le contexte actuel grec toute sa légitimité. La dimension sociale et politique de ce type de projet est importante, la mixité sociale des acteurs de Perka en est une illustration évidente. Développer les relations sociales, créer un noyau d’équité et de coopération et établir des liens entre citadins et agriculteurs comme producteurs et consommateurs sont les objectifs poursuivis.
Face à la municipalité et aux autorités, les jardiniers de Perka présentent leur projet comme un réel plan de réhabilitation des espaces verts de ce quartier, qu’ils souhaiteraient élargir à l’échelle de la ville (un deuxième site Perka est déjà en activité à l’Est de la ville). Mettre en évidence la valeur naturelle du site, le préserver après son abandon par l’armée et continuer à l’occuper afin de lutter contre sa privatisation, sa segmentation et d’éventuelles reconstructions.